Article de Human rights watch : « Davantage d’entreprises devraient révéler où leurs vêtements sont fabriqués »
Dix-sept entreprises s’engagent à plus de transparence ; d’autres devraient les rejoindre.
(Londres) – Davantage d’entreprises de vêtements et de chaussures devraient rejoindre les 17 marques et enseignes de premier plan qui s’engagent à mettre en œuvre le nouveau « Pacte pour la Transparence », a déclaré une coalition de neuf syndicats et organisations de défense des droits humains dans un nouveau rapport publié aujourd’hui. En adhérant au Pacte, les entreprises s’engagent à publier des informations qui permettront aux défenseurs des droits humains, aux travailleurs et aux consommateurs de savoir où leurs produits sont fabriqués.
Le rapport de 24 pages, intitulé « Tirez le fil : Nécessaire transparence de la filière d’approvisionnement dans l’industrie de l’habillement et de la chaussure » est publié à la veille du quatrième anniversaire de l’effondrement du bâtiment « Rana Plaza » au Bangladesh. Il appelle les entreprises dans l’industrie de l’habillement à adopter le Pacte pour la Transparence et par là à s’engager à publier des informations sur les usines qui fabriquent leurs produits. Cette transparence doit permettre de lever un obstacle majeur à l’élimination des pratiques de travail abusives dans le secteur et contribuer à prévenir les drames vécus dans l’industrie, tels que l’effondrement du Rana Plaza.
La coalition a contacté 72 entreprises et leur a demandé d’adopter et d’exécuter le Pacte pour la Transparence. Le rapport détaille leurs réponses et compare leurs pratiques actuelles de transparence aux normes minimales du Pacte.
« Un socle minimum de transparence de la filière d’approvisionnement devrait être la norme au 21ème siècle », a déclaré Aruna Kashyap, juriste senior auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch. « Une communication ouverte sur la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise est bonne pour les travailleurs, bonne pour les droits humains, et montre que les entreprises s’efforcent de prévenir les abus dans leurs chaînes d’approvisionnement ».
L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 au Bangladesh a tué plus de 1 100 travailleuses et travailleurs de l’habillement, et en a blessé plus de 2 000. Il a été précédé de deux incendies d’usine – Ali Enterprises au Pakistan et Tazreen Fashions au Bangladesh – qui ont tué plus de 350 travailleuses et travailleurs et gravement blessé beaucoup d’autres. Pour identifier les entreprises clientes et leur demander d’assumer leurs responsabilités, les défenseurs des droits humains ont dû interroger les survivants et fouiller les décombres à la recherche des étiquettes.
Fin 2016, au moins 29 entreprises internationales de l’habillement avaient publié des informations sur les usines qui fabriquent leurs produits. Pour construire sur cette lancée, une coalition de neuf syndicats internationaux et organisations de défense des droits humains a élaboré le « Pacte pour la Transparence ». Son objectif est de promouvoir des règles du jeu équitables dans l’industrie en adoptant des standards minimaux en matière de publication d’informations sur les usines des fournisseurs.
La coalition se compose de la Clean Clothes Campaign, de Human Rights Watch, d’IndustriALL Global Union, de la Table ronde internationale sur la responsabilité d’entreprise (ICAR), du Forum international des droits du travail (ILRF), de la Confédération syndicale internationale, du Maquila Solidarity Network, d’UNI Global Union et du Consortium des droits des travailleurs (WRC).
Les membres de la Coalition ont écrit à 72 entreprises – dont 23 leaders de l’industrie qui publiaient déjà des informations sur les usines de leurs fournisseurs – leur demandant d’adopter et de mettre en œuvre les standards du Pacte pour la Transparence. Jusqu’à présent, de nombreuses entreprises de vêtements ne publiaient aucune information sur les usines de leurs fournisseurs, y compris certaines entreprises qui s’approvisionnaient dans des pays connus pour des problèmes persistants relatifs aux droits des travailleurs.
Le Pacte pour la Transparence s’appuie sur les bonnes pratiques d’entreprises internationales actives dans le secteur de l’habillement. Il fixe un plancher minimum, pas un plafond, pour la transparence de la filière d’approvisionnement. Le Pacte exige de la part des entreprises d’habillement qui le signent de publier des informations importantes sur les usines de leurs fournisseurs et sur leurs sous-traitants autorisés. Ces efforts contribuent à faire valoir les droits humains des travailleuses et des travailleurs, à promouvoir des pratiques commerciales éthiques, à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains dans les filières d’approvisionnement et à renforcer la confiance des parties prenantes, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme.
Beaucoup d’investisseurs importants ont commencé à inciter les marques et enseignes d’habillement à rendre publique l’information sur leurs fournisseurs. Récemment, le Corporate Human Rights Benchmark, approuvé par 85 investisseurs représentant 5,3 billions de dollars américains, a intégré le critère de transparence dans sa cotation d’entreprises de l’habillement, en exigeant qu’elles publient au moins le nom des usines qui fabriquent leurs produits.
« Après le Rana Plaza et d’autres catastrophes, les groupes de défense des droits humains, les syndicats et certaines entreprises et investisseurs ont compris l’importance de la transparence pour prévenir les abus et soutenir les efforts de responsabilisation », a déclaré Ben Vanpeperstraete, lobbyiste et coordinateur du plaidoyer au bureau international de la Clean Clothes Campaign. « Les entreprises doivent mettre la transparence en pratique pour montrer qu’elles respectent les droits humains et des conditions de travail décentes ».
La transparence est un outil puissant pour promouvoir la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits humains dans leurs filières d’approvisionnement internationales, a déclaré la coalition. Elle permet aux travailleurs et aux défenseurs des droits humains d’alerter l’entreprise sur les violations des droits dans les usines de leurs fournisseurs. L’information sur les usines des fournisseurs de marques facilite un accès plus rapide aux mécanismes de recours en cas de grief pour les atteintes aux droits humains.
Sur les 72 entreprises que la coalition a contactées, 17 seront en alignement complet avec les standards du Pacte d’ici décembre 2017.
Beaucoup d’autres entreprises sont en deçà des standards : cinq s’en approchent considérablement, 18 bougent dans la bonne direction en publiant au moins les noms et adresses des usines de confection (CMT), et sept annoncent de petits pas d’ici décembre 2017 – en s’engageant par exemple à publier une partie de leurs filières ou uniquement les noms et les pays des usines de leurs fournisseurs.
25 autres entreprises d’habillement ne publient pas d’informations sur les usines qui fabriquent leurs produits. Ces entreprises n’ont pas répondu ou n’ont pas pris l’engagement de publier les informations demandées.
La coalition appelle les entreprises qui ne se sont pas encore alignées sur le Pacte à le rejoindre d’ici décembre 2017 et ce faisant à contribuer à galvaniser l’industrie de l’habillement vers un socle minimum de transparence de la filière d’approvisionnement.
« Adhérer à un minimum de transparence de la filière d’approvisionnement est une étape importante dans les efforts des entreprises pour assumer leurs responsabilités vis-à-vis de leurs filières d’approvisionnement », a déclaré Judy Gearhart, directrice générale au Forum international des droits du travail (ILRF). « Les entreprises peuvent faire plus, mais elles devraient au moins commencer par cette étape de base ».
Certaines entreprises ont affirmé que la divulgation d’informations les handicaperait d’un point de vue commercial. Mais cette justification est clairement contredite par les autres sociétés qui publient ces informations. Esprit, l’une des entreprises qui s’est engagée à s’aligner sur le Pacte, a déclaré : « Rendre cette information publique n’est pas confortable pour bon nombre d’entreprises, mais le temps est venu de le faire. »
————
Résumé des réponses des entreprises
Les entreprises d’habillement qui s’alignent totalement sur le Pacte… ou presque
Les entreprises d’habillement qui publiaient déjà des informations sur leurs filières d’approvisionnement et qui se sont engagées à publier d’ici décembre 2017 des informations supplémentaires en totale conformité avec le Pacte pour la Transparence sont adidas, C&A, Cotton On Group, Esprit, G-Star RAW, H&M Group, Hanesmands, Levi Strauss & Co., Lindex, Nike et Patagonia.
Les entreprises d’habillement qui n’avaient précédemment pas publié d’informations sur les usines de leurs fournisseurs et se sont engagées à publier d’ici décembre 2017 des informations en totale conformité avec le Pacte pour la Transparence sont ASICS, ASOS, Clarks, New Look, Next et Pentland Brands. Ces marques et enseignes internationales aideront à créer un nouveau terrain en promouvant une norme minimale à l’échelle de l’industrie pour la transparence de la filière d’approvisionnement.
John Lewis, Marks et Spencer, Tesco, Gap et Mountain Equipment Co-op respectent des pratiques de transparence en quasi conformité avec le Pacte.
Dans la bonne direction
Coles, Columbia Sportswear, Disney, Hudson’s Bay Company, Kmart et Target Australia et Woolworths Australia publiaient déjà les noms et les adresses des usines de leurs fournisseurs et n’ont pas pris d’engagement supplémentaire pour respecter les normes du Pacte. Puma et New Balance publiaient les noms et adresses des usines de leurs fournisseurs et s’engagent à ajouter plus de détails pour s’aligner plus étroitement sur les normes du Pacte.
ALDI Nord et ALDI Sud, Arcadia Group, Benetton, Debenhams, LIDL, Tchibo, Under Armour et VF Corporation prennent des mesures dans la bonne direction et ont commencé ou commencent à publier des noms et des adresses d’au moins toutes les usines de confection en 2017. Fast Retailing a publié les noms et adresses des « fournisseurs principaux » de sa marque UNIQLO en 2017.
Bon début
Target USA avait précédemment publié les noms et le pays des usines de ses fournisseurs mais ne s’est pas engagé à faire plus. En 2017, Mizuno, Abercrombie & Fitch, Loblaw et PVH Corporation ont pris des mesures pour publier les noms des usines de leurs fournisseurs, mais seulement avec le pays de fabrication.
BESTSELLER et Décathlon ont promis qu’ils publieront des informations sur les usines de leurs fournisseurs en 2017 sans plus de détail.
Aucun engagement envers la publication d’informations sur les usines de leurs fournisseurs
American Eagle Outfitters, Canadian Tire, Carrefour, Desigual, DICK’S Sporting Goods, Foot Locker, Hugo Boss, KiK, MANGO, Morrison, Primark, Sainsbury’s, The Children’s Place et Walmart ne s’engagent pas à publier d’informations sur les usines de leurs fournisseurs. Inditex a refusé de publier les informations sur les usines de ses fournisseurs, mais met ces données à disposition d’IndustriALL et de ses affiliés dans le cadre de leur Accord-cadre mondial.
Armani, Carter’s, Forever 21, Matalan, Ralph Lauren Corporation, Rip Curl, River Island, Shop Direct, Sports Direct et Urban Outfitters n’ont pas répondu à la coalition et ne publient aucune information sur la filière d’approvisionnement.
Les marques qui ont signé des accords-cadres globaux avec IndustriALL et publient des informations sur les usines de leurs fournisseurs :
H&M Group et Mizuno; Tchibo commencera à publier en 2017.
Les marques qui font partie de l’Accord sur la sécurité des bâtiments d’usine au Bangladesh et publient des informations sur les usines de leurs fournisseurs :
adidas, C&A, Cotton On Group, Esprit, G-Star RAW, H&M Group, Kmart Australia, Lindex, Marks et Spencer, Puma, Target Australia et Woolworths.
Les membres de l’Accord qui ont commencé ou commenceront à publier des informations sur l’usine de fournisseurs en 2017 sont Abercrombie & Fitch, ALDI North et ALDI South, BESTSELLER, Debenhams, Fast Retailing, John Lewis, New Look, Next, LIDL, Loblaw, PVH Corporation, Tchibo, Et Tesco.
Les marques qui font partie du partenariat allemand pour les textiles durables (Textil Bündnis) et publient des informations sur les usines de leurs fournisseurs :
adidas, C&A, Esprit, H&M et Puma; D’autres, y compris ALDI Nord et ALDI Sud, LIDL et Tchibo ont commencé ou commenceront à publier des informations sur les usines de leurs fournisseurs en 2017.